Episodes

  • A celle que j’aime (Nérée Beauchemin)
    Jan 9 2025

    Dans ta mémoire immortelle,
    Comme dans le reposoir
    D’une divine chapelle,
    Pour celui qui t’est fidèle,
    Garde l’amour et l’espoir.

    Garde l’amour qui m’enivre,
    L’amour qui nous fait rêver ;
    Garde l’espoir qui fait vivre ;
    Garde la foi qui délivre,
    La foi qui nous doit sauver.

    L’espoir, c’est de la lumière,
    L’amour, c’est une liqueur,
    Et la foi, c’est la prière.
    Mets ces trésors, ma très chère,
    Au plus profond de ton coeur.

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    1 min
  • Allégorie (Charles Baudelaire)
    Jan 8 2025

    C’est une femme belle et de riche encolure,
    Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure.
    Les griffes de l’amour, les poisons du tripot,
    Tout glisse et tout s’émousse au granit de sa peau.
    Elle rit à la Mort et nargue la Débauche,
    Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche,
    Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté
    De ce corps ferme et droit la rude majesté.
    Elle marche en déesse et repose en sultane ;
    Elle a dans le plaisir la foi mahométane,
    Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins,
    Elle appelle des yeux la race des humains.
    Elle croit, elle sait, cette vierge inféconde
    Et pourtant nécessaire à la marche du monde,
    Que la beauté du corps est un sublime don
    Qui de toute infamie arrache le pardon.
    Elle ignore l’Enfer comme le Purgatoire,
    Et quand l’heure viendra d’entrer dans la Nuit noire,
    Elle regardera la face de la Mort,
    Ainsi qu’un nouveau-né, — sans haine et sans remord.

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    2 mins
  • 1909 (Guillaume Apollinaire)
    Jan 7 2025

    La dame avait une robe
    En ottoman violine
    Et sa tunique brodée d’or
    Était composée de deux panneaux
    S’attachant sur l’épaule

    Les yeux dansants comme des anges
    Elle riait elle riait
    Elle avait un visage aux couleurs de France
    Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges
    Elle avait un visage aux couleurs de France

    Elle était décolletée en rond
    Et coiffée à la Récamier
    Avec de beaux bras nus

    N’entendra-t-on jamais sonner minuit

    La dame en robe d’ottoman violine
    Et en tunique brodée d’or
    Décolletée en rond
    Promenait ses boucles
    Son bandeau d’or
    Et traînait ses petits souliers à boucles

    Elle était si belle
    Que tu n’aurais pas osé l’aimer

    J’aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
    Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux
    Le fer était leur sang la flamme leur cerveau

    J’aimais j’aimais le peuple habile des machines
    Le luxe et la beauté ne sont que son écume
    Cette femme était si belle
    Qu’elle me faisait peur

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    2 mins
  • Air vif (Paul Eluard)
    Jan 6 2025

    J’ai regardé devant moi
    Dans la foule je t’ai vue
    Parmi les blés je t’ai vue
    Sous un arbre je t’ai vue

    Au bout de tous mes voyages
    Au fond de tous mes tourments
    Au tournant de tous les rires
    Sortant de l’eau et du feu

    L’été l’hiver je t’ai vue
    Dans ma maison je t’ai vue
    Entre mes bras je t’ai vue
    Dans mes rêves je t’ai vue

    Je ne te quitterai plus.

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    1 min
  • À une fleur séchée dans un album (Alphonse de Lamartine)
    Jan 3 2025

    Il m’en souvient, c’était aux plages
    Où m’attire un ciel du midi,
    Ciel sans souillure et sans orages,
    Où j’aspirais sous les feuillages
    Les parfums d’un air attiédi.

    Une mer qu’aucun bord n’arrête
    S’étendait bleue à l’horizon ;
    L’oranger, cet arbre de fête,
    Neigeait par moments sur ma tête ;
    Des odeurs montaient du gazon.

    Tu croissais près d’une colonne
    D’un temple écrasé par le temps ;
    Tu lui faisais une couronne,
    Tu parais son tronc monotone
    Avec tes chapiteaux flottants ;

    Fleur qui décores la ruine
    Sans un regard pour t’admirer !
    Je cueillis ta blanche étamine,
    Et j’emportai sur ma poitrine
    Tes parfums pour les respirer.

    Aujourd’hui, ciel, temple et rivage,
    Tout a disparu sans retour :
    Ton parfum est dans le nuage,
    Et je trouve, en tournant la page,
    La trace morte d’un beau jour !

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    1 min
  • Adieu (Alphonse de Lamartine)
    Jan 3 2025

    Oui, j’ai quitté ce port tranquille,
    Ce port si longtemps appelé,
    Où loin des ennuis de la ville,
    Dans un loisir doux et facile,
    Sans bruit mes jours auraient coulé.
    J’ai quitté l’obscure vallée,
    Le toit champêtre d’un ami ;
    Loin des bocages de Bissy,
    Ma muse, à regret exilée,
    S’éloigne triste et désolée
    Du séjour qu’elle avait choisi.
    Nous n’irons plus dans les prairies,
    Au premier rayon du matin,
    Egarer, d’un pas incertain,
    Nos poétiques rêveries.
    Nous ne verrons plus le soleil,
    Du haut des cimes d’Italie
    Précipitant son char vermeil,
    Semblable au père de la vie,
    Rendre à la nature assoupie
    Le premier éclat du réveil.
    Nous ne goûterons plus votre ombre,
    Vieux pins, l’honneur de ces forêts,
    Vous n’entendrez plus nos secrets ;
    Sous cette grotte humide et sombre
    Nous ne chercherons plus le frais,
    Et le soir, au temple rustique,
    Quand la cloche mélancolique
    Appellera tout le hameau,
    Nous n’irons plus, à la prière,
    Nous courber sur la simple pierre
    Qui couvre un rustique tombeau.
    Adieu, vallons; adieu, bocages ;
    Lac azuré, rochers sauvages,
    Bois touffus, tranquille séjour,
    Séjour des heureux et des sages,
    Je vous ai quittés sans retour.

    Déjà ma barque fugitive
    Au souffle des zéphyrs trompeurs,
    S’éloigne à regret de la rive
    Que n’offraient des dieux protecteurs.
    J’affronte de nouveaux orages ;
    Sans doute à de nouveaux naufrages
    Mon frêle esquif est dévoué ,
    Et pourtant à la fleur de l’âge,
    Sur quels écueils, sur quels rivages
    N’ai-je déjà pas échoué ?
    Mais d’une plainte téméraire
    Pourquoi fatiguer le destin ?
    A peine au milieu du chemin,
    Faut-il regarder en arrière ?
    Mes lèvres à peine ont. goûté
    Le calice amer de la vie,
    Loin de moi je l’ai rejeté ;
    Mais l’arrêt cruel est porté,
    Il faut boire jusqu’à la lie !
    Lorsque mes pas auront franchi
    Les deux tiers de notre carrière,
    Sous le poids d’une vie entière
    Quand mes cheveux auront blanchi,
    Je reviendrai du vieux Bissy
    Visiter le toit solitaire
    Où le ciel me garde un ami.
    Dans quelque retraite profonde,
    Sous les arbres par lui plantés,
    Nous verrons couler comme l’onde
    La fin de nos jours agités.
    Là, sans crainte et sans espérance,
    Sur notre orageuse existence,
    Ramenés par le souvenir,
    Jetant nos regards en arrière,
    Nous mesurerons la carrière,
    Qu’il aura fallu parcourir.

    Tel un pilote octogénaire,
    Du haut d’un rocher solitaire,
    Le soir, tranquillement assis,
    Laisse au loin égarer sa vue
    Et contemple encor l’étendue
    Des mers qu’il sillonna jadis.

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    5 mins
  • La courbe de tes yeux (Paul Eluard)
    Dec 29 2024

    La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
    Un rond de danse et de douceur,
    Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
    Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
    C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

    Feuilles de jour et mousse de rosée,
    Roseaux du vent, sourires parfumés,
    Ailes couvrant le monde de lumière,
    Bateaux chargés du ciel et de la mer,
    Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

    Parfums éclos d’une couvée d’aurores
    Qui gît toujours sur la paille des astres,
    Comme le jour dépend de l’innocence
    Le monde entier dépend de tes yeux purs
    Et tout mon sang coule dans leurs regards.

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    1 min
  • La terre est bleue (Paul Eluard)
    Dec 29 2024

    La terre est bleue comme une orange
    Jamais une erreur les mots ne mentent pas
    Ils ne vous donnent plus à chanter
    Au tour des baisers de s’entendre
    Les fous et les amours
    Elle sa bouche d’alliance
    Tous les secrets tous les sourires
    Et quels vêtements d’indulgence
    À la croire toute nue.

    Les guêpes fleurissent vert
    L’aube se passe autour du cou
    Un collier de fenêtres
    Des ailes couvrent les feuilles
    Tu as toutes les joies solaires
    Tout le soleil sur la terre
    Sur les chemins de ta beauté.

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    1 min