Dans cet épisode, je reçois Mohamed Mbougar Sarr, écrivain sénégalais et lauréat du prix Goncourt 2021 pour La plus secrète mémoire des hommes. Ensemble, nous plongeons dans une conversation dense et précieuse sur la langue, l’hospitalité, la mémoire et l’identité — autant de fils invisibles qui tissent les récits les plus vrais.Né à Dakar (Sénégal) en 1990, élevé à Diourbel (Sénégal), Mbougar grandit au rythme des voix féminines de la maison — sa mère, sa grand-mère, ses tantes — qui, entre deux récits de vie, ouvrent à l’enfant l’imaginaire du conte et de la fiction. Très tôt, il est traversé par plusieurs langues : le sérère d’abord, langue maternelle et mémoire affective, puis le wolof, langue de la rue, le français de l’école, et l’arabe du Coran. Cette multiplicité n’est pas un obstacle, mais une matière vivante : chaque langue est porteuse d’un monde, d’une vision, d’un rythme.Auteur de Terre ceinte (2015), Silence du chœur (2017), De purs hommes (2018) et La plus secrète mémoire des hommes (2021), Mohamed Mbougar Sarr construit une œuvre à la fois enracinée et traversante — qui refuse les assignations identitaires sans jamais renier ses héritages.Nous parlons de l’hospitalité comme philosophie de vie, de l’accueil des humains comme des non-humains, des morts comme des vivants — mais aussi de la complexité d’écrire en français, langue d’héritage colonial, tout en y faisant résonner d’autres imaginaires.Mbougar ne se contente pas de passer d’une langue à l’autre : il fait dialoguer des univers symboliques et sensibles, il tisse des passerelles d’un imaginaire à un autre, pour faire apparaître ce qui ne se dit pas d’un seul tenant. Il ne cherche pas à lisser ses héritages, mais à les accueillir dans leur tension, leur richesse, leur fécondité.Avec pudeur et lucidité, il revient sur la polémique suscitée par De purs hommes, sur les résistances à nommer la violence intérieure des sociétés, et sur le pari de rester fidèle à sa propre exigence littéraire, même quand elle dérange.Un épisode manifeste, sur ce que cela signifie écrire entre les mondes sans se trahir, et sur la puissance douce de ceux qui choisissent l’ouverture sans renier leurs racines.00:00 – Introduction & présentation de Mbougar03:48 – Écrivain, romancier, ou autre chose ?09:10 – Les bruits et odeurs de l’enfance à Diourbel17:05 – Langues premières : sérère, wolof, français, arabe20:50 – L’hospitalité au Sénégal : accueillir l’étranger comme pari humain25:40 – Une hospitalité étendue aux non-humains, visibles et invisibles28:57 – Les animaux de la maison, et la mort d’un mouton comme premier deuil36:10 – Traduire un imaginaire plus qu’une langue : entre fidélité et recréation41:50 – La langue du rêve et la multiplicité intérieure44:10 – Vers une écriture multilingue : intrusion du sérère et du wolof dans ses romans49:50 – Hybridité et enracinement : être soi dans la relation, pas dans la tension54:40 – L’Aventure ambiguë et l’initiation à l’identité plurielle59:40 – Être enraciné pour mieux s’ouvrir : une racine mobile01:07:30 – Polémique autour de De purs hommes : société, violence et responsabilité01:14:30 – Fraternité dans l’amour et dans la violence : la négativité comme enjeu littéraire et politique